Par Patrick Sorrel, philothérapeute dans notre centre

Bonjour à toustes, je suis Patrick, philothérapeute au centre Arc-en-Ciel. J’accompagne les personnes désireuses d’éclairer leur chemin en décidant en conscience du sens qu’elles veulent mettre sur ce qui leur arrive ou plus généralement ce qu’elles vivent.

La semaine dernière, je donnais une conférence sur la philothérapie de l’alimentation (Conférence : Philothérapie de l’alimentation (youtube.com)), et cela m’a donné l’occasion de creuser ma réflexion sur ce sujet qui me passionne depuis de nombreuses années : comment, et de quoi j’accepte de me nourrir ? 

En effet je suis passé dans ma propre vie par à peu près par toutes les formes d’alimentation possible, à la fois par curiosité, mais aussi pour tenter de résoudre mes propres problèmes vis-à-vis de la nourriture. 

Par exemple, à l’époque où j’ai commencé à expérimenter le jeûne, je me souviens que je ne parvenais pas vraiment à trouver du plaisir dans le fait de manger. Je mangeais pour me remplir, je mangeais vite en général, et je me souciais peu du raffinement des aliments que je faisais entrer dans mon corps. J’étais déjà végétarien à tendance vegan depuis plusieurs années, non pas par goût ni par équilibre alimentaire mais par conviction, par respect pour la cause animale et par aversion pour notre système de production industriel. 

Quand j’ai fait mon premier jeûne qui a duré une semaine, j’ai contacté dans mon ventre une sorte de paix intérieure que je n’avais pas connue depuis des années. Celui-ci ne gargouillait plus du matin au soir et je me sentais libéré de ce besoin de manger quelque chose dès que je me levais de bon matin. J’ai donc arrêté de prendre un petit déjeuner. Cela me convenait bien et je pouvais savourer plus intensément le repas du midi. 

Puis après mon deuxième jeûne de 15 jours cette fois-ci (nous étions peut-être en 2016), j’ai décidé de poursuivre le jeûne en intermittence durant toute une année. Je ne mangeais plus qu’une fois par jour, en général vers 16h. J’ai pu analyser assez finement tous les bouleversements que cela a occasionné dans mon corps, et surtout dans mes habitudes de penser. En positif : je retrouvais le goût des aliments, car j’avais réellement faim quand je passais à table. Ce n’était plus vraiment une habitude, un rythme devenu inconscient, c’était une nécessité corporelle : je commençais à écouter à nouveau mon corps. Et je prenais plaisir à manger. En négatif : je mangeais beaucoup durant mon seul repas dans la journée, et je mangeais toujours aussi vite, comme pour faire arrêter la faim le plus vite possible. Je n’arrivais pas vraiment à savourer les aliments, à les mâcher longtemps dans la bouche avant de les avaler, tout ce que l’on prescrit en général pour accompagner une alimentation plus consciente. Il manquait encore quelque chose, visiblement, dans ma compréhension, pour me permettre de manger plus sereinement. 

En parallèle, j’avais depuis longtemps déjà commencé une analyse pour tenter de mettre plus d’équilibre dans mon système psychique. J’ai beaucoup travaillé sur mon rapport à mon père, à ma mère, j’ai au fil des années remonté le cours de mon histoire pour aller travailler avec l’enfant, puis le petit enfant, et enfin le bébé. C’est là que m’est apparu un jour une évidence qui a éclairé des parts entières de mon système psychique : j’avais manqué dans ma prime enfance de cette première alimentation qui accompagne le sein de la mère : l’attention à son bébé. J’avais visiblement un creux immense à combler, un gouffre de manque d’amour non pas parce que ma mère ne m’aimait pas, ni même parce qu’elle ne m’avait pas suffisamment donné le sein : mais parce que précisément elle n’était pas vraiment là quand elle me nourrissait. Elle ne pouvait pas être là, je ne lui jette pas la pierre : elle était dans ses propres affres, ses propres blessures. Dans son monde. Et moi j’ai accumulé un vide immense à cet endroit, vide que j’ai tenté de combler de toutes les manières possibles dans la nourriture. Nourriture physique, on peut s’en douter, mais aussi nourriture relationnelle, nourriture sexuelle, nourriture intellectuelle, etc. Tout ce qui pouvait combler le trou béant que je ne voulais pas voir pourrait faire l’affaire ! Vous pouvez imaginer que le jeûne est venu un peu plus déstabiliser cet équilibre précaire, basé sur une ignorance de ce que je cherchais vraiment dans l’alimentation…

J’ai oscillé pendant longtemps, je m’en rends compte maintenant, entre l’ascétisme anorexique et la boulimie compulsive, dans chacun de ces domaines d’alimentation que sont les idées, les relations et la consommation des corps. Par exemple j’ai accumulé les connaissances, je me suis nourri de tout ce qui pouvait passer à portée de main au niveau théorique, et cela pendant de nombreuses années. Et puis je suis passé par des phases de semblant d’autonomie intellectuelle, refusant toute nouvelle théorie, ne me nourrissant que de ce que je contenais en moi. 

Vous faites le lien avec le jeûne, du point de vue alimentaire ? De toute évidence, la motivation qui sous-tendait mes premiers jeûnes n’était pas seulement de trouver une forme d’équilibre alimentaire, mais aussi de tenter le diable : et si je trouvais en moi l’énergie de me nourrir en totale autonomie, sans avoir besoin du monde extérieur pour cela ? 

Je l’avoue, le pranisme m’a longtemps attiré, et j’ai même pu croire tendre à cela dans certaines phases un peu maniaques, quand je ne souffrais plus du tout du manque de nourriture physique. Et cela n’était pas juste, je le sais bien maintenant, car je tentais encore de soigner une blessure immense, celle créée dans ma prime jeunesse, en pensant que je pourrais maintenant ne plus avoir besoin de personne pour me nourrir. Le mythe de l’autarcie alimentaire, de l’autarcie énergétique. Je sais bien que toutes les personnes engagées dans une quête pranique ne fonctionnent pas de la même manière que moi, heureusement. J’en ai quand même vu un certain nombre s’enfoncer dans une sorte de fuite de l’incarnation, de rejet de la nourriture physique, et je n’ai pas été rassuré sur le chemin qu’elles prenaient. D’autres me montrent qu’il est possible aussi de s’alimenter avec amour, sans forcément s’alimenter de nourriture physique, charnelle. Tout est possible, je le sais bien, mais le plus important pour moi c’est de savoir pourquoi nous nous aventurons dans tel ou tel chemin. Pour quelles raisons profondes faisons-nous cela ? Avec quelle motivation inconsciente ? 

Tout notre système de valeurs, tout notre système de croyances, celui-là même qui sous-tend nos pratiques les plus quotidiennes, telle que l’alimentation : tout notre système plus ou moins conscient réside sur une nécessité première : nourrir nos besoins les plus impérieux, soigner nos blessures les plus profondes. Et ces besoins ne sont pas uniquement physiques, loin de là : ils sont avant-tout psychologiques, spirituels. Ils sont des besoins de reconnaissance, de partage, de justice, de confiance, ils sont des besoins de sens, des besoins d’amour. Et ils sont loin d’être « futiles » : ils sont ce qui nous maintient en vie et en bonne santé !

C’est cela que je cherche à mettre en lumière dans mon cabinet quand je reçois aujourd’hui des personnes qui viennent me voir pour des problèmes alimentaires. Quels sont les besoins qui ne sont pas nourris dans le système de la personne, quelles sont les stratégies qu’elle a mises en place pour nourrir ces besoins, souvent de manière sauvage et inconsciente, enfin quelles sont les croyances qu’elle a adopté dans l’espoir – bien inconscient – de parvenir à un équilibre alimentaire au niveau de ses besoins les plus profonds. Pour chaque personne c’est différent : aucune généralité ne se dessine, même si les blessures des un.e.s et des autres se ressemblent souvent… Un jour, une collègue m’a demandé : « pourquoi des gens qui ont des problèmes alimentaires viennent te voir toi, plutôt qu’un diététicien ou un spécialiste de l’alimentation ? ». Je lui ai répondu que les deux approches sont loin d’être incompatibles. Moi j’essaie, en partenariat avec la personne, de mettre du sens sur ses pratiques alimentaires. J’essaie de mettre de la lumière sur le système de croyances et le système de valeurs qu’elle a construit durant toutes ces années, et de créer des liens entre ce système idéologique et l’ensemble des besoins qui crient, derrière ce système apparent : « nourrissez-moi, nourrissez-moi ! » 

Pour moi, c’est déjà énorme. Et parfois, cela accompagne de manière très bénéfique les processus de guérison que la personne met en place de son côté. 

« Connais-toi toi-même » était écrit sur le temple de Delphes. Je le traduirai aujourd’hui de la manière suivante : « Eclaire ton système de croyances ». 

Je poursuis mon propre chemin de ce point de vue, car le chemin est encore long. Si je peux aussi accompagner d’autres chemin, j’en suis ravi. 

Patrick SORREL

Philothérapeute au centre Arc-en-Ciel

www.patricksorrel.com

0610998934

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